Douleurs chroniques

Les maux du corps

En France, les médecins s’intéressent de plus en plus à l’hypnose : psychologues, rhumatologues, gynécologues, endocrinologues, psychologues cliniciens, médecins généralistes… se forment à cette approche et l’utilisent dans leur pratique, notamment pour atténuer les inconforts du corps. Le point avec le Dr Jean-Marc Benhaiem, qui a créé le premier diplôme universitaire d’hypnose médicale à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.

« L’hypnose ne soigne pas une maladie mais une personne », dévoile le Dr Jean Marc Benhaiem de sa voix calme et lente. Autant dire que la relation thérapeute-patient est essentielle. Loin de l’hypnose spectacle, cet expert propose depuis de nombreuses années « L’hypnose qui soigne » 1.

Une hypnose en trois étapes

Le recours à l’hypnose pour traiter la douleur est validé par de nombreuses études 2. On estime cette approche particulièrement intéressante lorsqu’elle est utilisée avant que la douleur ne devienne chronique. Mais son succès reste toutefois fortement lié à une condition : « être disponible à des changements », explique le Dr Jean-Marc Benhaïem, spécialiste de l’hypnose et auteur d’un ouvrage « L’hypnose qui soigne ».

Trois étapes sont proposées par la thérapeute en hypnose. La première est l’induction. Elle consiste à hypnotiser le patient en lui proposant de fixer son attention sur un objet. La deuxième est ce que l’on appelle la dissociation-confusion : le patient se trouve coupé de ses perceptions auditives, visuelles et tactiles. Son corps est engourdi et immobile. Vient alors la troisième étape, qui correspond à l’ouverture, celle qui va permettre d’entrer en relation avec son corps, condition nécessaire pour guérir. Quitter son corps pour mieux le retrouver…

Face à un patient douloureux, la thérapeute en hypnose va utiliser différentes métaphores de la douleur, comme un étau qui serre ou des aiguilles, pour les modifier et en proposer d’autres, liées cette fois au soulagement.

Hypnose : du calme contre la migraine

Chez les patients migraineux, l’hypnose va tenter d’interrompre le cercle vicieux anxiété-contractures-douleurs crâniennes. L’obtention de l’état hypnotique suffit souvent à stopper la migraine. La léthargie associée à la pénombre et au calme de la séance sont autant d’éléments d’apaisement. Les yeux fermés, le patient est invité à imaginer des couleurs apaisantes. La suggestion de fraîcheur est souvent bénéfique.

Dans son livre, le spécialiste estime à 62 % la proportion de migraineux rebelles soulagés par une hypnose ciblée 1. Cependant, si on remarque une atténuation, voire un espacement des douleurs, ou une rémission, il est rarement question de guérison . Rien n’empêche alors de refaire de nouvelles séances d’hypnose.

De bons résultats pour les lombalgies et les sciatiques

Quel que soit le lieu de la douleur, qu’elle provienne des jambes ou du dos, qu’elle soit musculaire ou articulaire, la démarche thérapeutique sera la même, explique le Dr Benhaiem. Et de citer l’exemple d’une patiente de 50 ans : occupée à améliorer par l’hypnose sa relation avec sa fille, elle en a oublié ses douleurs lombaires.

Dans sa pratique, le médecin constate que les séances d’hypnose soulagent bon nombre de patients. Ils se plaignent de moins en moins de leurs douleurs, prennent moins d’antalgiques et continuent leur activité professionnelle.

Si l’efficacité de l’hypnose sur la douleur est reconnue cliniquement, il restait à le prouver sur le plan scientifique. C’est ce qu’a fait Fanny Nusbaum 2, chercheur associé au laboratoire Santé-Individu-Société (Université de Lyon). À l’aide d’un IRM, elle a mesuré l’activité cérébrale chez 14 patients lombalgiques chroniques, au repos, en état d’éveil avec une suggestion d’analgésie, et en état d’hypnose avec la même suggestion d’analgésie. Résultat : les patients en éveil ont décrit une baisse de leur douleur de 28 %, contre 64 % pour ceux sous hypnose, qui ont montré une activation d’un réseau cérébral cognitivo-émotionnel. Pour les chercheurs, la plus grande efficacité de l’hypnose par rapport à l’éveil réside dans le fait qu’elle agit sur la dimension émotionnelle et non sur la seule dimension sensorielle.

Soulager les douleurs du côlon

Certaines douleurs du côlon restent invalidantes, malgré des traitements lourds. L’hypnose peut là encore jouer un rôle.

Le praticien utilise des métaphores comparant le côlon à un fleuve calme. Assis dans un fauteuil ou un siège confortable, le patient a pour consigne d’imaginer son côlon désenflammé ou encore de placer sa main sur le ventre et d’attendre de ressentir une chaleur calmante.

Dans son livre, le Dr Benhaiem décrit le cas d’un patient de 48 ans, qui malgré l’ablation partielle du côlon, continuait à souffrir depuis 3 ans, au point d’arrêter de travailler. Adressé par un collègue gastro-entérologue, il accepte de jouer le jeu de l’hypnose. Les douleurs se sont estompées dès la première séance. A la seconde, le problème était quasiment réglé. Le médecin a pu confirmer la guérison et le patient reprendre son travail.

La particularité des douleurs d’amputation ou douleurs fantômes

Dans les cas d’amputations, il n’est pas rare de ressentir une douleur du côté du membre devenu absent. Le cerveau cherche alors ce membre perdu et envoie des signaux douloureux. C’est ce qu’on appelle la « douleur fantôme ».

L’hypnose aura pour rôle, dans ce cas, de « mettre de l’ordre dans le cerveau », explique le Dr Benhaiem. Il s’agit, par les séances d’hypnose, de faire accepter le handicap ou l’accident, et mettre fin aux regrets et autres culpabilités autour de la lésion du corps. Pour cela, la thérapeute par l’hypnose propose au patient de visualiser le membre manquant et de l’imaginer en mouvement. Cela aura pour effet de soulager ces douleurs dites neuropathiques.

L’hypnose avant une piqûre ?

L’hypnose peut être utilisée en accompagnement de certains gestes médicaux douloureux comme la ponction lombaire ou la ponction de moelle osseuse. Elle peut être proposée avant d’effectuer un soin, des pansements pour les brûlés, des piqûres ou toute autre intervention ne nécessitant pas d’anesthésie générale.

Lorsque la douleur devient invivable, autant essayer cette approche. Tout le monde est hypnotisable mais certains seront « éponges », selon la formule consacrée par le Dr Benhaiem, ou au contraire « réfractaires ». Rares sont, en tout cas, les effets secondaires, sinon quelques crises d’angoisses ou de larmes exceptionnelles. L’hypnose ne supprime pas le problème, elle ajoute un savoir. Apprendre à ne plus souffrir, un pari Pascalien !

1. »L’hypnose qui soigne » de Jean-Marc Benhaiem Ed. Josette Lyon. Spécialiste de l’hypnose qu’il pratique depuis vingt-cinq ans, le Dr Benhaiem travaille actuellement dans un centre hospitalier de traitement de la douleur à Paris. En 2001, il crée – et dirige depuis – le premier diplôme universitaire d’hypnose médicale à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (seul diplôme en Europe).
Interview du Dr Jean Marc Benhaiem le 27 /09/10
2. Études menées par Fanny Nusbaum, chercheur associé au Laboratoire Santé-Individu-Société (S.I.S., EA-4129), dirigé par les Prs Yves Matillon et Jacques Gaucher. Elles ont été soutenues financièrement par la Fondation APICIL et se sont déroulées au CE.

Ecrit par Karen Taieb et paru sur Doctissimo

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